hello old friend
Les jours du congé du bulgare sont rares. Ce n'est pas que Mihayl l'exploite, loin de là - Desislav fait partie des nés-moldus les mieux lotis. Mais c'est surtout que le rouquin évite les temps morts comme la peste, trouvant généralement de quoi s'occuper en dernière minute, même lors de ses moments de répit. Travailler pour oublier, travailler pour s'empêcher de trop penser. Les traits de Desislav sont tirés, ses yeux légèrement cernés, ses cheveux roux peut être un peu moins brillants qu'autrefois. Car Desislav est fatigué. Las de la solitude qui lui tord parfois le coeur, fatigué de la douleur qui semble lui brûler inlassablement l'âme. Mais il n'en dira jamais rien, le né moldu. Ce n'est pas son rôle, pas sa place, et il a le palpitant trop bon que pour ressasser une quelconque colère. Il sait, Desislav, que Mihayl n'a pas le choix. Que la compagnie d'Anwen lui est probablement aussi douloureuse qu'à lui. C'est écrit au fond de ses yeux, c'est hurlé avec chacun de ses soupirs lorsqu'il se glisse, à la nuit tombée, dans ses minuscules appartements. Et même si les larmes se pressent souvent derrière ses paupières,
Desislav ne parvient pas à lui en vouloir. Pas le moins du monde. L'amant exonéré de toutes les fautes sous ses mains bienveillantes.
Mais, aujourd'hui, Desislav n'a rien trouvé à faire et l'ambiance au manoir est oppressante. Lourde de silences, remplie de mots vides de sens. Alors, la rune accrochée bien évidence sur le col de sa veste, le bon soldat s'est évanoui dans le Londres sorcier. Mihayl lui a déjà dit plusieurs fois qu'il n'était plus obligé de la porter, que la famille Krum s'occupera des conséquences, mais Desislav ne veut pas. Ou plutôt, il ne peut pas. Il ne désire que peu de choses, Desislav, et se ballader sans cette rune écarlate accrochée au torse est l'une d'entre elles. Tout serait alors plus facile, plus doux pour le né moldu. Mais il ne
peut pas, pas alors que cela n'apporterait que des problèmes à celui dont les yeux gris étaient déjà trop tirés d'angoisse.
Sans même y penser, les pas du bulgare le mènent sur le Chemin de Traverse. Pour celui qui a toujours vécu dans le monde des moldus, pour celui qui s'est déjà battu une fois à leurs côtés, le monde magique est une découverte constante. Il a encore tellement de choses à apprendre, Desislav.
Trop de choses à apprendre, pense t'il parfois avec nostalgie. Il erre sans réel but, se contentant de laisser ses billes se perdre sur les différents étalages. Il se perd dans les petites ruelles entourant la rue principale avec un plaisir dissimulé - faisant profil bas comme toujours. Il se prend à oublier la rune, parfois. Mais elle se rappelle toujours à son souvenir au détour d'un regard courroucé ou d'un quolibet mesquin.
Sang de bourbe, il a apprit à ne plus écouter les langues de vipère, Desislav. Et puis, alors qu'il relevait à peine les yeux d'une énième devanture, il percute quelqu'un.
Encore. La maladresse du sorcier lui causait bien des problèmes et le né moldu se mordait déjà discrètement la lèvre inférieure, comme par réflexe.
« Et bien décidément … on devrait arrêter de se croiser comme cela » le sourire de la sang pur est tremblant et Desislav enfonce ses mains au fond de ses poches, visiblement mal à l'aise. Il ne sait pas quoi dire, le rouquin. Car il aurait bien besoin d'une amie, de son amie. Mais est-elle encore vraiment libre de l'être, Natsiya. Il sait mieux que personne, Desislav, que l'on est pas toujours libre d'apprécier qui l'on veut. Et si l'adolescente d'hier n'avait que faire de la rune accrochée à ses vêtements, la jeune femme d'aujourd'hui semble ne plus voir que ça. Pas obligation ou par convention. Par nécessité. Par survie. Parce qu'elle fait de nouveau partie des puissants. Parce que sa vie a changé alors que la sienne est restée figée.
« Je voulais m’excuser Desislav. Vraiment. Je sais qu’au bal je n’ai pas vraiment été … » le jeune homme esquisse un sourire à son tour, la coupant gentiment -
« Ce n'est rien. Vraiment. » Le silence retombe et la brune secoue la tête, enchaînant
« Peut-être qu’on pourrait trouver un autre endroit pour parler ? » un sourire lointain se dessine sur les lippes du né moldu. Un sourire un peu triste, un sourire un peu bancal. Un sourire un peu forcé, aussi, par bien des aspects. Mais un sourire vrai, cependant.
Un autre endroit. Car cette artère est encore trop principale et que la rune accrochée au col de sa veste ne peut qu'attirer les regards, pétrifiant la bulgare de honte. Il hoche doucement la tête alors qu'elle reprend la parole -
« Ça fait trop longtemps … des années depuis notre dernière conversation après tout. » il n'a pas oublié, Desislav. Il n'a pas oublié les conversations d'autrefois. Cela semble pourtant s'être passé il y a des décennies tant le souvenir s'est fané.
« Je connais une ruelle bien moins fréquentée près d'ici. » - ce même banc où il se réfugie lorsque les regards se font trop insistants.
« Si tu veux. » car Desislav n'a jamais fait partie de ces hommes qui s'imposent.