Stanimir Murdarov ▲ This gun is for hire, even if we're dancing in the dark

Journal de Stanimir Murdarov ( Décembre 1928). Papa dit que la prochaine destination c'est l'Amérique du Sud. Il parle de la Cordillère des Andes. Oncle Charles a toujours des histoires formidables sur l'Amérique, il y a passé un peu de temps. J'aimerais bien voir à quoi ressemble Ilvermony. Et puis Castelobruxo. La tête qu'il doit tirer, Yevgeniy, il y a des acromentules là-bas, à Bornéo, et je suis sûr qu'il en a jamais vu. J'ai vraiment hâte. Maman dit qu'une chose est sûre : il y aura des dragons. Je crois que ce sont les proies que je préfères. Les loups sont vicieux, ce sont vraiment des saletés, des nuisibles. Les dragons aussi, mais le combat est beau. Comme les Boutefeux chinois, ça, c'est quelque chose. L'Asie me manque, aussi. Il faisait chaud, là-bas. Ici, que ce soit en Russie, en Hongrie ou en Bulgarie, il fait froid tout le temps. Tous est gris. Tout est boueux, il neige tout le temps. J'aurais bien aimé rester là-bas : il fait chaud et j'aurais pu aller à Mahoutokoro aussi. Gigi me manque. J'aime bien Myhail, mais Ivanka et Dimitri, c'est que des gosses. Maman râle parce qu'on ne fait que se battre. N'empêche, c'est moi qui gagne, alors ça va, non ?

Susan Hayworth-Murdarov, à propos de son mari. On était les deux seuls étudiants étrangers de la promotion : forcément, ça rapproche. On a appris l'espagnol et le portugais, les deux langues de l'école, en même temps. Il m'a appris le bulgare, je lui ai appris l'anglais. Mon père, Jeremiah, était un botaniste réputé : il adorait l'Amérique du Sud et venait y faire de nombreuses recherches. Stanko était un peu dans le même cas, alors on a sympathisé, même si on est pas sortir ensemble avant la septième année. Au départ, je pensais (et je pense toujours) que c'était un insupportable frimeur, un crétin casse-cou, un m'as-tu-vu de première. Il avait toujours quelque chose à dire, quelque chose à contester. Et puis il ne prenait rien au sérieux, le règlement, les règles, les obligations en général, ce n'était pas son truc. Même s'il était doué, même si c'était un passionné. L'idole de la promotion, avec sa manie de toujours se battre, et de souvent gagner. Pourtant, c'était un bosseur. Il se fichait du cadre, mais tout l'intéressait. Les mois d'été, il rentrait chez lui, il se perfectionnait en duel. Et à la rentrée, il revenait et il massacrait tout le monde, en défense contre les forces du mal. Une tête en magicozoologie, aussi. Je ne me rappelle plus quand j'ai commencé à le voir comme un ami. Peut-être parce que malgré tout, son insolence, son côté tête à claque, je crois que je me suis dit qu'il n'était pas méchant. La main leste, mais jamais sans raison. Il est prompt à la colère, il peut être insupportable de provocation, mais je crois qu'il a toujours eu, derrière ça, une sérieuse envie de prouver qu'il ne valait pas moins que les autres, que sa famille méritait mieux que la haine, qui au final, l'a conduit à détester toute forme d'injustice. Déjà à Castelobruxo, c'était quelqu'un sur qui on pouvait compter, quelqu'un qui ne laissait pas tomber les gens, qui tout en en disant pis que pendre s'occupait d'eux s'ils étaient malades ou malheureux, et je pense que beaucoup d'amis autoproclamés du genre humain, n'ayant à la bouche que les mots de bienveillance et de compassion, sont en réalité plus égoïstes et indifférents que ce garçon qui a passé sa vie à se peindre sous les traits d'un méchant. Il est toujours plus affecté par les choses qu'il ne veut bien le dire. Vous ne l'avez pas vu, ce jour là, quand la directrice lui a annoncé qu'il avait perdu son père. C'était terrible, on n'avait que treize ans, et il fallait voir ce grand type, au physique de brute, abattu, terrassé, pleurant comme ce qu'on était tous les deux : des gosses. Il avait l'air si triste ! Il pleurait, et moi je ne savais pas quoi dire, je n'ai jamais su quoi dire dans ces moments là, et j'étais tellement habituée à le voir sourire, aussi...

Stanimir Murdarov, à propos de la mort de son père. J'ai vu ma mère décliner, vous savez. Un peu toute seule. Un peu hors du monde. Je ne savais pas bien quoi faire, ni quoi dire. C'était ma mère, je l'avais toujours vu comme une femme forte, la meilleure chasseuse de sa génération. Mais la mort de mon père...non, ça l'a ravagée. Elle avait un problème. Un faible pour la bouteille, c'est ainsi. Elle disait qu'elle était trop vieille pour travailler. Moi je disais qu'elle était trop jeune pour se laisser aller comme ça. Mais...elle voulait de la vie quelque chose qu'elle ne pouvait lui offrir. Mon père ne pouvait pas revenir d'entre les morts. Alors comme, il fallait bien que quelqu'un s'occupe d'elle, j'ai fini l'école, et c'est ce que j'ai fait. C'était la seule chose à faire. J'avais dix-sept ans, mes ASPICs en poche, et je n'aspirais qu'à parcourir le monde à la recherche de créatures à chasser. Je voulais être avec Susan, on avait tellement de projets, tellement de choses à faire...mais voilà, ma place était avec ma mère. Alors je suis resté. Parce que c'était la bonne chose à faire. Je leur devais ça, à elle, et à mon père. Merlin sait qu'on a pu s'engueuler, Yevgeniy et moi, à ce sujet. Voulait pas rester, pouvait pas....je sais pas. Ca me décevait, un peu, vous savez, parce que mon frère...c'est mon frère, quoi. Gamin, je rêvais d'être comme lui. On a fini par s'entendre, là-dessus. Il est revenu. Et je crois qu'on a fait tous les deux de notre mieux. C'est pas facile, vous savez. De voir quelqu'un mourir sur la durée. Décliner comme ça. Alors on a fait ce qu'on a pu. Ouais. Ce qu'on pouvait.

Extrait du brouillon de demande en mariage de Stanimir Murdarov. Parfois je me sens terriblement heureux, parfois je me sens terriblement triste, mais souvent tu me rends juste fou, à forcer de trainer dans tes yeux bleu pâle. Une pensée de toi est comme le sommet de ma montagne.Je pense à toi comme à ma cime Une pensée de toi est comme tout ce que j'ai eu mais que je n'ai su garder. Et si je pouvais rendre le monde aussi beau que je l'imagine, je te mettrais dans le mirroir. Ce qu'on a fait hier était bon, petite, et je voudrais le refaire encore. Et le fait que tu ne sois pas encore mariée prouve seulement que nous sommes les meilleurs amis du monde. Par contre, c'est vraiment, vraiment, un péché [...] Je me demande parfois ce qui se passerait si je revivais ma vie. Commetrais-je les mêmes erreurs impardonnables ? Oui, à la moindre occasion. Oui. Et je ferais encore ce que je suis en train de faire : te demander de m'épouser, car telle est la plus pardonnable de toutes mes erreurs.

Jeremiah Hayworth, à propos de son beau-fils (1946) Je n'ai jamais aimé ce garçon. Ces manières de bandits, d'aventurier du dimanche. Oh, je ne dis pas qu'il n'était pas un bon employé, il savait chasser les créatures, protéger une expédition, il savait maintenir l'ordre. Oui. Il n'empêche que ça ne m'enchante pas qu'il soit mon beau-fils. Toutes ces chasses aux créatures, ces bagarres, ces récits de massacres, tout cela, tout ce sang, et puis ce rire, toujours...Susan n'a jamais rien voulu entendre à ce sujet. Elle l'aimait, ce gredin, elle l'aimait, elle le suivait partout où il allait, en Europe, en Afrique, partout ! Elle étudiait les plantes, il chassait des bestioles, parfois même des gens.Ce n'était qu'un mercenaire, à peine mieux que les pouilleux qui lui servait de famille. Pas étonnant, donc, qu'il ait fini par rejoindre Grindelwald et sa bande. Au moins, Susan a ouvert les yeux, et elle est partie. Elle ne devrait pas le regretter, non. Cette ordure l'a reniée publiquement, il a participé à la prise de pouvoir des spasenis en Bulgarie et en Angleterre, il n'y a rien de glorieux à ça. Je suis content que nous puissions récupérer Pavel, ce n'était pas un milieu sain pour élever un petit garçon. Maintenant, j'espère que Susan va revenir à la raison, et cesser d'agir en tant que Lux...je suis sûr qu'il lui arrivera malheur, si elle continue. Il est auror, maintenant, ce salaud, auror ! Il ne pouvait rien arriver de pire.

Pavel Murdarov à propos de son père, en 1952. Je ne sais pas quoi penser de mon père. Tante Isi dit qu'il rêve de justice comme de silence au milieu du vacarme. Je suppose qu'elle sait ce qu'elle raconte, elle le connait depuis plus longtemps que moi, au fond. J'avais huit ans quand maman est partie dans Lux, et je n'ai jamais revu Stanimir depuis ça. Je sais pas quoi penser de lui. Grand-père disait que c'était une brute, qu'il était parti, qu'on ne pouvait pas lui faire confiance. Pourtant, il m'a quand même pris avec lui, alors je sais pas...mais il a laissé tomber maman, ça c'est sûr. Et maintenant, elle est morte, et il n'a rien fait pour la sauver. Rien. Le type qui l'a tuée, en plus, est un de ses boss, si je comprends bien. Ils roulent​ pour le même gars, tous. Même oncle Yevgeniy Je leur en veux pour ça. Je suis sûr qu'ils auraient pu sauver maman. Mais personne n'a essayé. Alors je sais pas. Je vois bien qu'ils essayent, surtout Stanko. D'être gentils avec moi, je veux dire. De former une vraie famille. Mais je me demande si ça marche vraiment. Je les vois même s'engueuler. Je sais pas quoi dire. Sans eux, sans lui, je serais...je sais pas, à la rue ? Orphelin ? Mais je veux pas d'un assassin pour père. Même s'il n'est pas totalement un salaud. C'est compliqué. Je sais pas quoi dire, ni choisir. C'est peut-être ça, rêver de justice comme de silence au milieu du vacarme.