tchavdar krum ✢ ter in faciem

Dans le cendrier de nacre, du mégot écrasé, s’échappaient quelques dernières volutes de fumées. Derrière, plus loin encore, d’autres fumées des buches sèches filaient dans le conduit de la cheminée et transportaient avec elles une agréable odeur de sapins. Un homme rond avec une barbe imposante parlait bruyamment, comme un animal féroce. Un autre, très grand et fin, l’écoutait de façon impassible. Ils se tenaient tous deux dans l’encadrement de la porte, comme si le départ du dernier avait été retardé par le premier qui jetait ses dernières réprimandes. Au fur et à mesure qu’il parlait, les joues de l’homme rond s’empourpraient, ce que l’on pouvait deviner même derrière sa grosse barbe. Alors, sans prévenir, un poing puissant et fort s’écrasa sur l’homme filiforme qui n’eut le temps de s’en étonner et tombait à la renverse, assommé.

Une horloge arrondie sonnait les trois heures du matin mais l’homme filiforme n’avait toujours pas émergé de sa léthargie. L’autre, celui qui lui avait assené le coup, fumait un cigare démesuré qui laissait échapper une fumée violette et grise entêtante. Il avait jeté ses jambes dantesques sur un petit tabouret qui grinçait sous le poids de sa charge. Posée à ses côtés, négligemment, une baguette d’une taille étonnamment réduite semblait presque neuve, comme si elle n’avait été que très rarement utilisée. Hristo Krum, ainsi, ne faisait pas affront aux habitudes de sa famille réputée pour être brutaux, sauvages et peu fin. Si son nom était fortement lié à la fabrication de baguette magique, la branche à laquelle il appartenait préférait utiliser leur force animale plutôt que leurs pouvoirs magiques.

« Ils devraient déjà être là… » - grognait Hristo d’une voix gutturale, impressionnante de graves, comme si elle était sortie d’outre tombe jusqu’aux entrailles de la terre. Alors, une pétarade retentissait à l’extérieure de l’espèce de chaumière que Hristo occupait. Sans cérémonie, il jetait son cigare à moitié consumé puis se relevait de toute sa hauteur, si imposant qu’on aurait pu le considérer demi-géant. « Grands cons, vous savez pas ce qui vous attend ! » - beuglait-il à l’adresse de ses invités qu’il accueillait tout sourire, avec de grandes tapes dans le dos et des rires gras et rauques.


Les intenses flammes se reflétaient sur le visage de l’homme, ahuri par la frayeur. Un cri silencieux sortait avec violence de sa bouche déformée jusqu’à s’en arracher la mâchoire. Ses joues étaient toutes empourprées de rouge, chauffée par la chaleur du feu et du sang qui lui montait à la tête, indéniablement. Il lévitait, tête en bas, en tournoyant lentement au-dessus d’un bucher que les trois frères Krum avaient préparé pendant qu’il était encore évanoui. Ainsi préparé, l’homme filiforme ressemblait à une de ces saucisses étranges et pâles que mangeaient les Moldus. Hristo avait déjà eu l’occasion d’en voir, alors qu’il s’était égaré des sentiers de chasse qu’il empruntait habituellement. Affamé, il avait alors dévalisé la famille moldue avant de tous les assassiner, par simple amusement.

Depuis des siècles déjà, les Krum n’avaient toujours compté que trois branches différentes jamais éteintes. Il y avait toujours eu, à la tête de chacune, un premier né mâle qui avait su diriger ses enfants d’une façon telle à perpétrer leurs traditions claniques, brutales et sauvages. Hristo et ses deux frères n’avaient pas fait exception à la règle et comptaient bien s’assurer que leurs enfants feraient de même. Alors, juste derrière eux, emmitouflés dans d’épaisses couvertures en laine, trois gamins d’à peine cinq ans observaient, effarés, les flammes qui tentaient désespérément d’avaler le visage du sorcier qui leur était présenté. Dans leurs grands yeux abasourdis brillaient le reflet des flammes et de l’homme effrayé. L’aîné des trois frères Krum, prenait alors la parole, comme s’il avait été seul maitre à bord, prêtre d’une cérémonie funeste et obscure. Hristo l’écoutait avec avidité dire ces mots d’un ton solennel : « Voilà ce qui arrive lorsqu’un autre lève la main sur un Krum ! ». Il baissait ensuite sa baguette, avec une extrême rapidité que sa silhouette imposante - presque autant que celle de son frère cadet Hristo - ne pouvait laisser présager. Alors, l’homme s’écrasait violemment contre les flammes qui brunissaient avec avidité ses chairs sous des hurlements qui crevaient le silence de la nuit, sans que la magie ne puisse les retenir d’avantage. Face à ce spectacle impressionnant, Aleksandar, Tchavdar et Marko ne parvenaient pas à détourner leurs yeux, à moitié choqués et impressionnés, avides aussi.


Comme s’il avait été un vulgaire poulet, de ceux qu’ils volaient aux moldus, l’os de son bras se brisait net et perçait sa peau. Bientôt, un flot de sang impressionnant sortait alors, accompagné d’hurlements suraiguës. Le regard satisfait de Hristo lâchait alors le bras de son fils Tchavdar, avec un dédain non dissimulé. « Ça t’apprendra à rester à ta place, p’tit. » - grognait-il en même temps. Il s’éloignait alors pour reprendre son cigare aux fumées violettes et grises. Les yeux de son fils laissaient perler d’imposantes larmes chaudes et salés, accompagnés de pleurs peu à peu étouffés avant qu’ils n’agacent plus encore son père. Il avait à peine huit ans que la discipline des Krum l’avait façonné à leur image, broyant avec toute la naïveté et la douceur infantile.

Tchavdar se comportait déjà comme un homme brutal et sauvage au crépuscule de la nuit où il allait rejoindre Durmstrang. Le ciel était alors chargé de lourds nuages noirs et menaçants qui cracheraient plus tard le tonnerre et ses éclairs. La boue ressemblait à une mare épaisse qui essayait de noyer le fiacre usé. A l’intérieur, Tchavdar s’agaçait de la lenteur de sa progression, comme un lion qui tournait dans sa cage. Finalement, l’austère château finissait par se détacher légèrement de la nuit noire, en même temps qu’une odeur de soufre flirtait avec ses narines.

Tchavdar s’était rapidement habitué au lugubre château et à ses odeurs de soufre. Il n’avait pourtant pas su se plier à ses aînés, peu inquiétés par la rigueur de leur discipline qui ne parvenait guère à concurrencer celle des Krum. Rapidement, il avait été l’un des élèves contre lesquels les professeurs avaient pris pour habitude de déferler leur colère et toute l’imagination dont ils pouvaient faire preuve en matière de punitions et sévices.

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