☞ Flood du Secret Cupidon

Les vacances de Noël touchent à leur fin et le manoir des Black est plongé dans l’obscurité. Dans le noir de ses appartements, l’adolescente ne dort pas. Le sommeil lui échappe alors que les évènements de la soirée se rejouent encore et encore à l’arrière de ses paupières. Comme à leur habitude, Janus et Morgana ont réuni la famille une dernière fois après Noël et avant les célébrations de la nouvelle année. Black, Lestrange. Karkaroff. Car pour la première fois, la benjamine a tenu à être accompagnée. Tout s’est bien passé. L’adolescente peut déjà lire au fond des yeux de Janus qu’il prépare ses prochains mouvements. Le bulgare n’a pas été invité par hasard et les Black sont encore en train de bouger leurs pions - les yeux tournés vers la Bulgarie.

Dans une des nombreuses chambres du manoir se trouve encore Aleksandr, invité par les parents Black à passer la nuit. Elle sait exactement laquelle, Melpomène. Elle se retourne et elle tourne encore entre ses draps de soie, les yeux rivés sur le plafond. Le plan qu’elle mijote depuis le dessert est risqué. Peut être trop risqué, même pour elle - même pour eux. Mais le danger ne fait que se serrer son coeur un peu plus et c’est mécaniquement que sa silhouette gracile saute au pied du lit.  Le pas léger dans le silence de la vaste demeure, ses yeux parcourant une dernière fois l’obscurité de ses appartements. Ses mains s’emparent d’un long peignoir de soie brodée - les coffres remplis des Black assumés jusqu’aux moindres détails. Bien vite, l’adolescente disparaît dans l’entrebâillement de la porte - sa respiration retenue avec appréhension. Elle se glisse entre les ombres, en devient elle même une.

Arrivée à destination, elle hésite un moment, la main suspendue à quelques millimètres à peine de la poignée de la porte.

Un moment pour prendre son courage à deux mains,
un moment pour être sûre d’elle. Sûre d’eux.

Elle ferme les yeux et elle se rappelle de ses discussions avec Nour, rassemblant son courage à deux mains en se répétant les encouragements de son amie. La Black ouvre la lourde porte de bois dans un soupir presqu’imperceptible et la referme tout aussi rapidement derrière elle - faisant toujours bien attention à ne pas faire le moindre bruit. Pour une fois, ses gestes sont empreints de prudence alors qu’elle s’approche du large lit trônant au milieu de la pièce. Comme toutes les pièces du manoir, la chambre est lourdement décorée et les dorures ainsi que les moulures sont au rendez-vous. L’opulence des lieux quelque peu effacée derrière le voile de la nuit.

La nuit qui protège,
la nuit qui doute,
la nuit qui donne du courage,
la nuit qui ose enfin.

La silhouette fine de la toute jeune femme se glisse entre les draps, fantôme parmi les vivants, posant la tête sur l’épaule de celui qui commence à s’éveiller. Elle ne sait pas quelle heure il est, Melpomène. Peut être deux, probablement trois. Il ouvre un oeil, à moitié, puis l’autre. Un fin sourire se dessine sur les lèvres du bulgare en découvrant la Black allongée à ses côtés. Les doigts de Melpomène se posent sur ses lèvres, geste assorti d’un clin d’oeil. Ils n’en ont jamais parlé, les amoureux. On ne parle pas de ces choses là, jamais. Pas chez les sang-purs, pas chez les Black.

Toujours sans le moindre mot, la Black se rapproche. Peu à peu, centimètre par centimètre, laissant le peignoir de soie derrière elle. Dans le silence de la chambre, Melpomène peut presque entendre son coeur battre ses tempes. Le sien ou celui d’Aleksandr, elle aurait bien du mal à le dire.

Les mains du bulgare trouvent la courbe de ses hanches entre les draps au moment où la belle pose ses lèvres sur les siennes, achevant de l’attirer à lui. Les gestes sont maladroits, peut être un peu trop hâtifs parfois. Mais les gestes sont vrais. Les gestes ne mentent pas. Les gestes sont malgré tout naturels. Les soupirs sont étouffés, quelques éclats de rire sont masqués derrière des sourires complices. Meilleurs amis, premier amour, premiers amants - pour le pire mais surtout pour le meilleur.

La découverte est douce,
la découverte est belle,
la découverte est tendre.

Bien loin des éclats de voix qui agitent trop souvent les adolescents, ces quelques moments volés à la nuit sont d’une douceur que peu leur connaissent. Les souffles sont saccadés, les souffles sont silencieux surtout. Les coeurs sont exaltés, les coeurs battent vite. Les mains voyagent, les mains découvrent. S’ils pensaient se connaître par coeur, c’est une nouvelle page de l’histoire - de leur histoire - qui s’écrit au détour d’un soupir.

L’extase retombe en même temps que le silence et c’est d’un baiser déposé à la coupe de ses lèvres que leur étreinte est scellée - Melpomène reposant son front au creux de son cou. On ne parle pas de ces choses là, non. Les doigts d’Aleksandr courent encore le long de son bras, lui arrachant un dernier frisson.

Le silence est plein de non-dits,
mais le silence semble sourire à ce moment précis.