dorian › when the darkness came, i was here

La neige et le froid, voilà ce que ses parents retiendraient de sa naissance. Ils n’étaient pas superstitieux mais auraient préférés voir leur fils naitre au printemps. D’un choix commun, ils le nommèrent Dorian, non pas pour les origines de ce prénom, mais parce qu’il faisait bien anglophone. C’était tout ce qui comptait pour cette famille, qui désirait montrer son appartenance à un pays, défendre ses cultures et ses origines. Le premier d’une fratrie de trois garçons. Ou plutôt, trois garçons et une fille, qui mourut quelques jours après sa naissance. C’était bien avant que Dorian ne foule la terre de ses propres pieds. Lui seul était au courant de cette épreuve dans la vie de ses parents, les ayant surpris un jour à en parler autour de l’âtre. Son intelligence, déjà affirmée au plus jeune de son âge, lui dicta d’oublier ce qu’il venait d’apprendre, et c’est ce qu’il fit. Jamais il n’en toucha mot à ses frères, desquels d’ailleurs il n’était pas très proche.

La différence d’âge était imposante. Sept ans avec James, et douze avec Amicus. Il était déjà à Poudlard lorsque ce dernier poussa son premier cri. Dorian ne pouvait pas se sentir légitimement responsable de ses frères. Il ne les connaissait pas, n’évoluait pas avec eux. Sa vie était à l’école, entouré de ses amis, cette famille qu’il choisissait. C’était là-bas qu’il se formait, ne pouvant compter sur sa mère dépassée pour lui inculquer autre chose que les valeurs qu’elle entendait et qu’elle répétait. Harmonie n’était pas une mauvaise personne. Jusqu’à la naissance de James, Dorian pouvait obtenir d’elle toutes les faveurs. Elle lui montrait la magie blanche et pure, elle le menait sur les chemins bordés de boutiques et de salons de thé. Elle lui contait des histoires et passait le plus clair de son temps à s’occuper de son bonheur.
Gilderoy, son père, était plus brusque et froid. C’était d’ailleurs de ce dernier que Dorian hérita les traits et le regard. C’était un sorcier imposant, fier de son statut et de sa famille. Il considérait les traditions comme le maitre mot de l’éducation. Dorian devait apprendre à se servir de sa magie, la contrôler, et l’utiliser en parfait état de conscience. La lecture et l’écriture, l’apprentissage de l’histoire, c’était aussi important que de savoir se défendre à main nue. Pourtant, il résidait quelque chose de plus important encore aux yeux du père de famille.

Dans un vieux manoir était enfermé un chaporouge. De ce dernier il ne pouvait s’échapper sauf si liberté lui était rendue. Gilderoy s’était donné du mal pour capturer celui qu’il avait trouvé. Il avait choisi le plus sanglant et le plus espiègle, et avait animé son aversion jusqu’à ce que son fils Dorian soit en âge de l’affronter. C’était à huit ans que les enfants étaient envoyés face à la petite créature. Ils n’étaient armés que de l’intelligence héritée et d’un entrainement intensif sans magie. Les Peverell avaient été élevés dans la crainte du passé, lorsque les Moldus savaient prendre le dessus sur la Magie. Ainsi donc, chaque enfant devait être capable de survivre, même privé de sa magie. C’est ainsi que Dorian fut envoyé dans le manoir, le lendemain de son huitième anniversaire. Il lui fallut plus de quatre heures pour ressortir de ce dernier, le corps parsemé des traces de son combat. Toute sa vie d’ailleurs, il gardera la marque des crocs de la créature sur son épaule, cette dernière décorée d’un marquage au fer rouge aux effigies de sa famille. Même là, il fallait qu’ils utilisent autre chose que la magie.

Arrivé à Poudlard, Dorian connaissait déjà les principes de l’école et l’utilité de son enseignement. Il fut envoyé à Gryffondor, en reconnaissance du courage dont il savait faire preuve, et de l’intelligence dont il pouvait se servir pour faire face à la difficulté. Ce n’était pas l’élève que son père attendait de lui, et les reproches pleuvaient dans les lettres. Dorian était un garçon perturbateur, comptant sur son intelligence pour le sauver sans étudier. Seule la défense contre les forces du mal, et la bienveillance du professeur Têtenjoy, trouvait grâce à ses yeux. Il pouvait passer des heures à s’entrainer, fasciné par les récits sur la magie noire et les guerres des sorciers. Très bon dans l’étude des runes, Dorian passait toutefois le plus clair de son temps à envoyer des messages cryptés à ses camarades.

C’était un élève dissipé, préférant l’amusement au sérieux. Du moins, c’était le cas tant qu’il n’était pas sur son balai, survolant le terrain de Quidditch. D’abord simple batteur, Dorian devint finalement capitaine. Jamais aucun professeur ne le vit aussi concentré que durant les matchs. Personne ne pouvait croire à cette carrure dont il faisait preuve tant il prenait son rôle avec application et dignité. Le Dorian amusant et frivole laissait place à un fin stratège qui n’avait pas peur de se salir pour mener son équipe à la victoire. C’était d’ailleurs la fierté de son père, laquelle il félicitait pour oublier le comportement parfois indécent de sa descendance. Ses fréquentations n’étaient pas celles qu’il espérait, et Gilderoy ne lâcha la bride qu’à l’entrée de James à Poudlard. Dorian était en derrière année, mais ce fut celle durant laquelle il fut le plus brillant. La rivalité entre les deux frères était perceptible, même si James n’avait en fait que de l’admiration pour son ainé. Il était son exemple et s’appliquait à lui ressembler, ce qui n’était guère au goût du jeune homme. Lui qui avait tant goûté à la liberté, le voici désormais suivi par un enfant qui buvait ses paroles, même les plus sottes. James aurait été capable de sauter de la tour d’astronomie pour obtenir l’attention de ce frère qui n’avait que faire de sa personne. James qui, quittant Poudlard, s’associa aux idées contraires que défendait Dorian, toujours dans le but ultime de recevoir de l’intérêt.

Sa scolarité parfois chaotique lui permit toutefois de connaître les personnes qui partageraient son existence. Eperdument amoureux d’une Serdaigle à la crinière de feu, Dorian était prêt à tout pour obtenir ne serait-ce qu’un sourire. Il ne lui fallut guère de temps pour se lancer dans la gueule du loup et l’aborder. Un mois peut-être après son arrivée à l’école. Isidore partageait sa classe, son intérêt. Ils pouvaient passer des heures à discuter, à s’amuser, se chercher. Ils ont grandi dans cet amour, acceptant même l’intérêt que voyaient leurs parents dans cette relation. Dorian s’imaginait sans peine les fiançailles avec la belle Isidore. Elle porterait leurs enfants, il travaillerait au ministère. Il n’y avait aucun ombre au tableau.

Dorian quitta l’école sans réellement se soucier de son futur. Tout était tracé, comme l’histoire de Poudlard l’était durant les cours du professeur. 1941, diplôme en poche, le jeune sorcier habita quelques temps chez ses parents. Une place au ministère l’attendait, tout brillait au dessus de sa tête. Et Dorian aurait sans doute d’avantage dut profiter de ce calme, qui annonçait la tempête sans l’ombre d’un doute. Quatre ans plus tard, alors que le sorcier avait délibérément ignoré les signes avant coureurs, les deux grands sorciers, Dumbledore et Grindelwald se livrèrent à un ultime combat. Le bulgare fut déclaré vainqueur, entrainant dans cela la mort du meilleur parti. Tout s’enchaina très vite, tandis que Dorian écoutait les murmures et les rumeurs concernant des clans et des alliances. Le ministère anglais arriva sous le contrôle de Grindelwald, mais ne fut pas grand chose dans la vie du jeune homme, qui fit la sienne s’effilocher le 19 janvier 1946. Le manoir Nott parti en fumée, Isidore planant devant cette vérité. La rancœur de ce qu’il s’était passé, de ce qu’il avait perdu. Il erra quelques temps, en vain, cherchant désormais le sens de sa vie.

C’est ainsi qu’il se rapprocha de Merlin. Le frère d’Isidore acclamé en héros pour l’avoir sauvé, celui prêt à tout pour retrouver la sœur qu’il perdait petit à petit. Elle était partie en vrille et impossible pour Dorian d’avoir une quelconque influence bénéfique sur la jeune femme. Il l’avait perdu et devait se rendre à l’évidence. Pas facile seul, mais avec le soutien de celui qui connaissait également la perte, l’épreuve ne fut pas aussi sombre que Dorian se l’imaginait. Au fil du temps, il put se relever, comptant sur Merlin comme le pilier dont il avait besoin. Les deux garçons ne se quittèrent jamais. Il était le frère que Dorian n’avait jamais eu. James et Amicus ne pouvaient faire le poids face au Nott, qui avait traversé les mêmes épreuves que le Peverell, qui connaissait les tourments de leur génération et l’importance fracassante de la politique sur leur vie. Dorian donnerait sa vie pour Merlin, ce qui n’était certainement pas le cas pour James. Au contraire, d’ailleurs.

Il l’écoutait, ce murmure. Il regardait la faille dans laquelle sa famille plongeait, déchirée par les allégeances de ses enfants. Amicus était encore trop jeune pour comprendre, protégé de toute façon par les murs de l’école. Mais Dorian voyait son frère se ranger de trop près du côté de celui qui avait fait imploser sa vie. Il ne dit rien jusqu’à ce mois de juillet 51. Il se laissa bercer par ce qu’il se passait, faisait profil bas pour ne pas être exclus de cette société dans laquelle il se devait de résister. Les groupuscules étaient connus de tous, les actions s’enchainaient, semant le chaos dans ce monde instable. Les idées de Dorian se tournaient vers le gamin qu’il avait connu à l’école. Tom Jedusor n’avait que deux ans de plus que lui. Il l’avait observé, dans la cour et dans les couloirs, il l’avait vu avec ses amis. Il avait écouté ses idées, alors aveuglé par le soleil de son futur. A présent, il était temps pour lui de prendre position. Il ne pouvait rester indéfiniment vague, il avait besoin de se sentir utile, de se lever contre celui qui avait détruit la resplendissante image futuriste.

Dorian prêta allégeance à celui désormais connu sous le nom de Lord Voldemort, accompagné par son acolyte Merlin. Dans ce camp, il y retrouva son patron Caerwyn, un allié de taille et un homme respectable. Si James avait eu Dorian pour modèle, ce dernier s’était tourné vers Caerwyn. Rejoindre les rangs de ce mage noir lui apporta de nouveaux amis, des connaissances, des contacts. Comme ce Cain que Merlin n’appréciait pas mais que Dorian estimait. Jamais Dorian ne s’était senti si vivant depuis la chute de l’empire qu’il construisait. Il n’avait pas peur de se projeter sur le terrain, bien au contraire même. Il se donnait corps et âme pour les convictions qui faisaient désormais partie de sa façon de penser, de son être, de sa personne. Une nouvelle marque, plus récente cette fois, plus douloureuse, aussi.

Malgré tout, il restait dans son esprit quelque chose d’insurmontable. Il avait juré de se venger. Yevgeniy n’était pas le bienvenu sur ces terres, et il paierait de sa vie le mal qu’il avait semé. Tout comme James paierait son allégeance en temps voulu. En attendant, Dorian évolue dans la haine de celui qui s’est proclamé Chef des Nations. Plus que jamais, son statut de mangemort le met en danger. Mais il n’est pas un fugitif. Il ne s’est pas dévoilé le 31 octobre dernier. Ses cartes sont encore en sa possession. Pour combien de temps, encore ? Les alliances sont brisées, tout n’est qu’une question de temps avant la véritable explosion. De cette dernière, il n’y aura qu’un vainqueur, et Dorian compte bien mettre toute sa personne à profit pour que Tom Jedusor soit celui qui ressortirait de là, la tête de Grindelwald à la main.