Lacrymosa ⚜ Malfoy Family

Lacrymosa est assise sur sa chaise, le dos bien droit, le regard fixe, ses cheveux sagement ramenés contre ses épaules. Une gravure. En apparence elle ressemble à la parfaite sang-pure, sage et discrète. Mais un détail vient rompre le sort. Elle est seule. On pourrait considérer cela étonnant puisqu’elle se tient au milieu d’une salle bondée. Mais c’est une salle remplie de sangs-purs bien pensants. Et par conséquent elle n’y est pas la bienvenue. Y est à peine tolérée du moment qu’elle se fait la plus discrète possible et ne prends pas la parole. Elle peut presque sentir le poids des regards sur son dos, Lacrymosa, même si elle ne peut pas les voir. Elle déteste cet endroit. Ces réunions. Elle n’en ressort que plus humiliée. Toujours avec un peu plus de colère qu’elle ne peut pas exprimer.

Toujours un peu plus abîmée.

Il faut constamment faire semblant de ne pas entendre les murmures insultants, les reniflements moqueurs. Ou pire ceux qui ont pitiés d’elle. Car si il y a une chose que Lacrymosa déteste encore plus que la cruauté c’est bien cette pitié qui la met plus bas que terre. Elle n’est pas une victime Lacrymosa. N’est pas une poupée brisée. Et son handicap ne la diminue en rien. Ce sont les autres qui le pensent. Que ce soit avec la jouissance de la méchanceté ou la sirupeuse douceur d’une fausse compassion. Leurs pensées se rejoignent toujours sur un même point. Elle est moins. Et elle ne supporte pas ce jugement de la part de quiconque. Mais comme toujours elle doit faire comme si cela lui importait peu. Soudain il y a des pas sur sa gauche. Une silhouette trouble qui s’approche d’elle. La première depuis le début de l’après-midi. Une voix résonne contre son oreille et elle se détend.

Dragomir. Peut-être le seul avec Isallys à faire preuve d’indulgence et de compréhension face à sa condition. Son visage de porcelaine ne bouge pas, ne laissant deviner aucune réaction face à ses paroles. Mais pourtant ceux qui la connaissent verront s’allumer une étincelle au fond des prunelles bleues. « Vraiment ? Tu laisserais donc sous-entendre qu’elle est encore plus laide qu’habituellement ? Je suis admirative vraiment je ne pensais pas qu’une telle chose était possible. Il faudra tout me décrire mon cher » et le bout de ses doigts vient enserrer le poignet de son cousin. « Ceci dit s’il s’agit d’une bonne nouvelle pour elle il ne peut pas en être autant pour nous. Prépare-toi donc au pire. » Pessimiste ? Sans doute. Mais Lacrymosa sait pertinemment que ce qui fait le bonheur des autres fait souvent son malheur à elle. Elle ne fait donc qu’être prudente.

Et il se trouve qu’elle a raison. A peine la matriarche Malfoy a-t-elle pris la parole qu’elle annonce d’une voix triomphante les fiançailles de son plus jeune fils. Enfin un fléau dont Lacrymosa n’avait pas souffert. Intérieurement elle se raidit mais se contente d’hocher la tête. Ce qui est fait est fait. Aucune chance de pouvoir le changer. Pas chez les sangs-purs. Pas chez les Malfoy. Soudain Dragomir prend la parole d’une voix explosive et Lacrymosa cligne rapidement des yeux, le plus grand signe de désarroi qu’elle se permet d’exprimer. Elle ne comprend pas un tel étalage de colère, elle qui maintient constamment ses émotions sous contrôle. La colère de Dragomir est inutile car son sort inévitable et s’adresse ainsi à sa génitrice ne peut lui faire de faveur.  Pour autant elle ne compte pas laisser son cousin seul.

Sa main enroulée autour du bras de son cousin elle le laisse la guider vers la sortie, réfléchissant déjà aux phrases de réconfort qu’elle pourrait lui donner. Mais elle n’en voit aucune. Un soupir lui échappe. « Je suppose que j’avais raison. La nouvelle n’est pas bonne si ce n'est pour moi au moins pour toi. » Elle marque une pause. Reprend la parole d’une voix qui fait l’exploit de se vouloir sceptique mais faussement encourageante en même temps. Un véritable désastre donc. » Mais peut-être qu’elle ne sera pas si horrible que ça. Peut-être que tu en viendras à l’apprécier. » Elle ne dit pas aimer. Elle n’est pas folle Lacrymosa. Chez les sangs-purs les mariages d’amours se comptent sur le bout des doigts. Lacrymosa se mord la lèvre. Pose une main sur l’épaule de son cousin. « Il fallait bien que cela t’arrive un jour de toute façon. Tu savais qu’il ne te restait que peu de liberté. Tu ne pouvais pas l’éviter » Une pause. « Tous les sangs-purs de qualité doivent en passer par là »

Tout ce qu’elle n’est pas en somme.

Son visage se perd dans un flou vert parsemé de rose. Lacrymosa sait que le jardin Malfoy est censé être une source d’admiration. Mais il n’a pour elle qu’un seul intérêt. Milles et unes odeurs s’emmêlent autour d’elle, formant un nuage envoûtant. Une autre forme de beauté. La seule dont elle peut encore se repaitre. Les yeux mi-clos elle prend une grande inspiration. Se noie dans les images, les souvenirs que lui font refont vivre les odeurs. Celles d’un temps béni ou sa vue n’était pas encore désastreuse. Parfois Lacrymosa se demande si elle n’aurait pas mieux fait d’être totalement aveugle. Après tout peut-on vraiment manquer de quelque chose qu’on n’a pas connu ? Elle ose à penser que non.

Les souvenirs de ce qu’elle a un jour été et ne sera plus jamais la hantent déjà suffisamment.

Sa main se ressert autour du bras de son cousin. Exprimant ainsi toute la compassion dont elle est capable. Elle sait que celui-ci est différent. Qu’il rêve de mieux. Et elle comprend Lacrymosa. En partie du moins. Très peu de sangs-purs sont réellement heureux d’être fiancés. Les mariages sont souvent sans amour, parfois même pleins de haines et de mépris. De rares élus parviennent à vivre en harmonie. Encore plus rare ceux qui sont heureux l’un à côté de l’autre. Les alliances sont nécessaires pour préserver le sang. Mais elles sont rarement appréciées. Pour bien des sang-pur cela sonne le glas d’une liberté déjà bien minime. Mais il n’y a pas d’autres choix. Pas d’autre possibilité. Sinon ils ne survivraient pas. Ne règneraient pas. Et comme tant d’autres Lacrymosa ne souhaite pas voir disparaitre la supériorité des sangs-purs. Non pas parce qu’elle leur est due comme croient tant d’autres. Mais Lacrymosa plus que quiconque connait le sens du mot sacrifice. Les sangs-purs se sont battus pour le pouvoir, se salissant, se détruisant les uns les autres. Le pouvoir ils l’ont acquis. Personne n’a le droit le leur reprendre.

Et pour le conserver il faut que certains, comme Dragomir en cet instant, fassent des sacrifices quotidiens. C’est ainsi. Elle penche la tête doucement sur le côté. Regarde dans la direction de son cousin. « Potable ? Je suppose que par là tu entends agréable à regarder ? Je ne saurais pas te le dire dans tous les cas. Quand à la supporter … je suppose que vous devrez tous deux vous ajuster. C’est ainsi. » Ses lèvres se tordent avec un sourire amer. « Au lieu de demander qu’elle soit belle, prie pour qu’elle ait au moins deux sous d’intelligence. » Un ricanement mesquin lui échappe. « Imagine que tu doive passer ta vie avec une mesquine petite idiote ? La beauté passe. L’intelligence reste. » Une moue déforme ses traits. « Mais peu importe, tu sais que dans tous les cas je te soutiendrais pas vrai ? »

Ils sont trop peu à l’apprécier pour qu’elle ne défende pas férocement ceux qui s’intéressent à elle. Dragomir est de la famille. La vraie. Un des rares à pouvoir s’approcher du cercle qu’elle forme avec Isallys. « Tu m’envie ? » Un éclat de rire amer. « Crois-moi non. On peut se débarrasser d’un mari, d’une femme. Même si c’est compliqué. Quand ton est un homme comme toi on peut même aller voir ailleurs du moment que l’héritier a été engendré. Personne n’y trouvera rien à redire. » Elle hausse les épaules. « Ils le font tous. » Une pause. « Mais les gens comme moi ? Je ne peux pas me débarrasser de ce que je suis. Une ratée. Et personne ne me laissera jamais l’oublier. » Ses yeux cillent, se posent sur l’horizon. « Le pire n’est pas la cécité. Je peux vivre avec. Ca ne me rend pas plus faible. Pas plus idiote. Non le pire ce sont les autres »

Mais ça ne durera pas non. Un jour les autres plieront, hurleront de peine et ce jour-là elle règnera.

Un léger rire la saisit et la dureté de son visage disparait un instant pour air plus doux. Le masque glisse très légèrement pour quelques secondes. Pour son cousin. « Je crois que ta mère n’apprécie pas le temps que nous passons ensemble. Et je crois qu’elle apprécie encore moins le fait de ne rien pouvoir dire devant mes parents parce que nous sommes la première branche. » Branche quasiment sans pouvoir puisque sans héritier. Mais toujours devant la seconde branche même si ce n’est que de si peu. «  Et je dirais que parfois tu ne recherche ma compagnie que pour l’énerver. Non pas que je m’en plaigne. » Comme aujourd’hui.