Asha n'attirait pas les regards. Tant d'années à travailler sa discrétion l'avaient rendue transparente. Invisible, elle n'avait aucun mal à surprendre de fascinantes conversations. Quelques informations précieuses, parfois déterminantes à la progression de ses enquêtes. Jamais trop belle, jamais repoussante, tout juste plaisante, c'est ainsi qu'elle se rendait aux réceptions des sang-mêlés.
Ces soirées étaient terriblement embarrassantes. Nés sous la mauvaise étoile, c'est vainement qu'ils tentaient de redorer leur image, exposant leur indécente richesse. Un temps ils oubliaient leurs insatisfaisantes origines. L'argent était, semblait-il, leur unique moyen de compter dans la société, à côté de l'absolue suprématie des sang-purs. Pour se fondre dans la masse, il fallait alors se prêter aux bienséances hypocrites qui réglementaient ces fêtes. Impossible de ne pas remarquer les ronds de jambes et sourires forcés que s'échangeaient les divers participants. Asha connaissait par cœur le nom de ceux qui comptaient et se prêtait, non sans dégoût, aux divers agrément que son statut, mais surtout sa profession, lui imposaient. Une fois l'exercice accompli, elle pouvait saisir les murmures indiscrets qui suivaient son départ. Car si son nom continuait, malgré le décès de son père, à imposer le respect, son choix de profession lui, en importunait plus d'un. Un temps agacée, presque vexée, par leur médisance, elle avait trouvé en elle la force d'ignorer la sévère colère qui agrippait sa gorge.
A peine une heure après le début des festivités, Asha estimait la torture suffisante. Quelques saluts polis et elle évoluait enfin vers la sortie, non sans un soupir de soulagement. C'est un dernier regard sur l'assemblée, réflexe de détective sûrement, qui l'éloignait finalement de la libération. Était-ce une certaine forme de dédain qu'elle avait aperçu dans ses yeux de cette jeune femme ?
« Asha quel plaisir de te voir vraiment ! » Asha était sur le point de lui faire remarquer que ce plaisir n'était pas partagé, quand la somptueuse brune reprit.
« J'aimerais te dire que tu as l'air en forme mais en réalité tu as l'air... horriblement fatiguée. Serait-ce ton travail qui te pose tant de problème ? J'ai entendu dire qu'il était parfois horriblement difficile de trouver des clients. Mais je comprends tout à fait, j'ai connu cela il y a quelques années en ouvrant la boutique. Je remercie Merlin chaque jour qu'elle fonctionne aussi bien » Surprise de la tournure de ce monologue, Asha fronçait les sourcils, intriguée. Impossible de ne pas constater cette incroyable assurance. Lorsqu'elles étaient à Poudlard, leurs relations n'étaient clairement pas au rendez-vous. L'adolescente particulièrement teigneuse à cette époque, avait une tendance non dissimulée à se servir allègrement des faiblesses de ses victimes et n'avait pas été tendre avec celle qui souffrait d'un terrible complexe d'infériorité quant à sa pauvreté.
« Bonsoir... »Revêtant de nouveau son costume de bourreau, avec un plaisir ostensible, Asha marquait un temps d'arrêt, feignant une intense réflexion.
Pourquoi ne pas rendre cette soirée amusante ?« Quel est ton prénom déjà ? »Tel serait son premier tour, et le jeu promettait déjà d'en valoir la chandelle tant son adversaire, perverti par de vilaines blessures d'égo, était prêt à risquer sa revanche.