Duo 3: Zelda Gnyrsdóttir & Arkady Karkaroff

Elle n'a aucun souvenir de s'être endormie, Zelda. Les opiacés doivent avoir fait leur boulot correctement et probablement se tient t'elle au détour d'une alcôve de l'opiumerie ou bien étendue sur un lit sommaire, membres lourds et paupières closes. Elle a mal la tête, la danseuse - et le monde autour d'elle semble tourner sur lui-même sans volonté de s'arrêter. Tout doucement, elle étend ses doigts et ses jambes, grommelant des jurons en islandais entre ses lèvres serrées. Au loin, un cri perce les ténèbres et un frisson dégringole le long de sa colonne, le duvet de ses bras hérissé dans l'atmosphère pesante de l'endroit. Elle n'a aucune idée d'où elle est - l'islandaise. Rien ne lui semble familier et ses entrailles se serrent d'une drôle d'appréhension. Zelda est une battante, Zelda n'a plus peur mais déjà Ragnví frissonne. Elle se relève tant bien que mal, les muscles endoloris et la vision encore un peu floue. La pièce semble être circulaire et, perçant les murs, se tiennent huit portes toutes tâchées de sang, toutes noires et peu avenantes. C'est seulement à ce moment là qu'elle se rend compte qu'une autre silhouette commence tout doucement à se réveiller, la distraite. Dans l'obscurité de la pièce, ses cheveux blancs se détachent et les gestes de ce qu'elle identifie comme une inconnue restent teintés d'une certaine aristocratie. Elle s'approche d'un pas mal assuré, à moitié assommée encore mais surtout méfiante. « Où sommes nous ? » son anglais sommaire brise le silence étouffant et les aurores boréales continuent de danser le long de sa langue. Elle repousse une mèche de cheveux lui barrant le regard, enroulant ses bras autour de son buste comme pour se protéger - poupée fragile au corps gracile.

Elle se masse les coudes et elle frissonne, la poupée. Une mèche brune collée au front alors qu'une fine goutte de sueur - glaciale et terrifiée - coule le long de sa colonne. Elle donnerait beaucoup pour une bouffée d'opium, Zelda. Elle donnerait beaucoup que pour se réveiller ailleurs, alors elle se pince nerveusement la peau des coudes, grimaçant de douleur sous ses propres ongles. Il lui fait cependant se rendre à l'évidence: elle ne semble pas rêver. Elle n'en est pas vraiment sûre pour autant - la frontière entre le rêve et la réalité étant tenue et poreuse. Elle est bien placée pour le savoir, la danseuse. Elle qui n'est jamais vraiment ni réveillée ni endormie mais plutôt constamment tiraillée, perdue entre ces deux extrêmes. Le sang-pur (ou la sang-pur, à vrai dire elle n'en sait rien du tout), ne semble pas avoir beaucoup plus d'idées qu'elle quant à l'endroit où ils se trouvent. Ses lèvres se tordent de contrariété alors qu'elle dévisage le sorcier lui faisant face. Elle hausse les épaules dans un geste gracile alors qu'il sort une baguette ouvragée. Elle sort la sienne également, Zelda - plus dans un réflexe miroir qu'autre chose. Elle la tient à l'envers sans même s'en rendre compte, l'esprit encore embrumé d'un sommeil tout sauf naturel et un zéro pointé en magie. Elle n'a jamais été à l'école, Ragnví. Elle se sert plus facilement (et plus souvent, pour le coup) de ses poings que du maigre bout de bois et elle est visiblement mal à l'aise, le tournant entre ses doigts frêles, ne sachant pas vraiment quoi en faire. « Mauvaise plaisanterrrie. » elle est d'accord avec lui, Zelda - alors elle acquiesce. Elle ne se formalise pas de son accent, l'islandaise. Il a son pays au creux des mots, tout comme l'Islande habite encore la moindre de ses syllabes. « Ca n'a rien de drôle... » assène t'elle d'un ton traînant.

« Alohomorrra. » la porte s'ouvre en grinçant, Zelda rangeant sa baguette dans sa poche. Il lui faut bien se rendre à l'évidence: elle est plus dangereuse avec cet objet étranger en main que sans. S'en même s'en rendre compte, ses poings se serrent le long de son corps de sylphide. On a tendance à la sous estimer, la poupée. A la croire inoffensive ou faible, mais la vérité est toute autre: la rue a endurci ses muscles et endoloris son épiderme et la danseuse n'a peur ni des entailles ni des bleus. Cependant, déjà son palpitant se sert d'appréhension. Elle a comme la très désagréable impression que ni poings ni malice ne suffiront à la sauver et elle se prend, l'espace d'une seconde déchirante de terreur, à regretter son manque d'éducation magique.

Edit près intervention du PNJ: C'est après une profonde inspiration qu'elle passe le seuil de la porte en première, étouffant un soupir de soulagement bien hâtif en découvrant la pièce dans laquelle ils se trouvent. L'endroit est minuscule et en son centre trône une table sommaire aux pieds branlants, l'islandaise s'approchant rapidement de l'autel, ses paumes menues s'emparant du vieux parchemin - résumant les quelques lignes d'une voix tremblante. « La porte est verrouillée. Il faut boire une potion. »

Elle n'a pas peur de la mort, Zelda. Elle a peur de l'inconnu et de la douleur. Lâche jusqu'au bout des ongles, elle s'est toujours imaginée partir dans son sommeil, trop d'opium au creux des veines et l'oeil hagard. Pas pleinement consciente dans une sorte de cauchemar sans fin. C'est les poings serrés le long de ses cuisses malingres qu'elle pénètre dans la pièce suivante. Minuscule, étouffante à sa façon. Là où le sorcier avise la porte de sa baguette, la sorcière s'agenouille au plus près des fioles. Laissant ses doigts courir le long des flacons avant de commencer à lire les instructions. Rien. Pas d'explications supplémentaires que quelques mots rédigés d'une cursive hâtive. Il leur faut chacun boire le contenu d'une fiole pour pouvoir enfin passer la porte. Un soupir las s'échappe d'entre ses lèvres tremblantes alors que le bulgare tente vainement de lancer un sortilège contre la porte. Un petit glapissement s'échappe également de ses lèvres alors que le sort ricoche et se retourne contre le sorcier. Du sang filtre entre les doigts et Zelda s'avance précipitamment vers lui. Si ce n'est qu'un rêve, pourquoi le liquide est-il si rouge, pourquoi l'odeur ferreuse de l'hémoglobine emplit t'elle le petit espace aussi rapidement ? Elle reconnaîtrait l'odeur du sang entre milles, Ragnví pour l'avoir connue trop fort et trop tôt. Elle s'arrête à quelques centimètres d'Arkady, stoppée dans sa lancée par sa raideur aristocratique. Il représente tout ce qu'elle ne sera jamais, Zelda. Elle peut tenter, elle peut jouer et faire semblant - elle a la rue sous la peau et ça se voit. Le moindre de ses mots crie la misère et les pavés sont encore imprimés sur ses genoux cagneux. Elle peut bien prétendre être plus qu'une poupée déchirée, elle ne sera au fond jamais qu'une souillon. Alors elle baisse les yeux, enfonçant ses points serrés au fond de ses poches et retournant s'asseoir près des fioles. Les minutes se passent dans un silence lourd que ni l'inconnu ni elle ne semble vouloir (ou pouvoir) briser. Bloqués par quatre bouts de verre. Elle a envie d'une cigarette, Zelda. Elle a envie de sentir la brûlure de la nicotine bon marché sur ses lèvres et de retrouver la sensation familière de l'opium au fond de son sang. Mais pour ça elle doit sortir d'ici - s'échapper ou se réveiller, elle ne sait plus vraiment tant les limites semblent ici floues. Pas vraiment sûre d'être éveillée mais pas vraiment sûre de rêver non plus. Alors elle murmure, tout bas, pour elle même plus que pour son compagnon d'infortune - ses doigts fins et tremblotants se dirigeant avec un manque d'assurance flagrant vers l'une des fioles. « Si je rêve, rien ne peut arriver. » et elle répète cette unique phrase trois, quatre, cinq fois de suite comme une incantation. Comme si à force de les prononcer les mots deviendraient réalité. Sa réalité, leur réalité.

Edit après ce lancer de dé plutôt chanceux: Rien. De l'eau. Ses yeux s'écarquillent sous le coup de la surprise alors qu'elle se relève d'un bond, jetant un regard interloqué à Arkady. « Ce n'était que de l'eau dans la mienne, c'est peut être pareil pour les autres... » les mots se perdent et son accent se heurtent aux consommes mais un sourire flotte au coin de ses lèvres. L'espace d'un instant, celle qui pensait ne plus vivre vraiment a eu peur. La peur, la vraie, celle qui fait battre le coeur et qui fait pomper les veines. L'espace d'un instant, Zelda s'est sentie vivante.