bird set free (+) Sigrid.

GODRIC’S HOLLOW (+) 1937 Le ventre gargouillant et les yeux brûlant par les larmes qui rongeaient ses joues, Sigrid tentait avec grand mal de retenir ses larmes qui n’arrêtaient pas de couler. Décidément, elle devait vraiment être trop stupide. Son père venait de le lui répéter au moins cent fois mais elle ne l’avait sûrement pas bien assez intégrée. Pourquoi avait-elle imaginé une seule seconde qu’il l’autorisait à rejoindre ses frères dehors pour tenter une partie de Quidditch improvisé ?

La journée lui semblait avoir bien commencé. Comme à son habitude, Sigrid avait couru sous les jupons de sa mère pour préparer le petit-déjeuner. Elle avait voulu apporter le jus de citrouille à son père et ses frères et c’était beaucoup trop appliqué à cette tâche. Résultat, la jeune Weasley s’était emmêlée les pieds dans le tapis et était tombée, tête la première sur le sol, les jus éclaboussées un peu partout sur le parquet massif. Entendre le rire moqueur de son frère ainé, Eadred fit colorer les joues de Sigrid mais elle se releva sans rien dire. Elle craignait bien plus la réaction de son père. Il allait sûrement la traiter d’empotée et il aurait bien raison. « Allez Sigrid, assis-toi. » Et sans un regard à sa fille et repris la lecture de son journal pendant que Mrs Weasley nettoyait le sol d’un coup de baguette magique.

Sigrid avait donc pris son petit-déjeuner dans un mutisme complet en lançant simplement des regards à son frère ainé, Eadwig qui n’arrêtait pas de faire des grimaces pendant que leur père était trop concentré sur sa lecture. Sigrid savait qu’elle ne devait pas rire. Eadwig aurait des ennuis et elle aussi pour avoir trouvé cela drôle, mais elle ne pouvait pas s’empêcher. Eadwig était le seul qui l’acceptait dans cette maison, hormis sa mère. Avec lui, elle avait l’impression d’être son égal, comparé à Eadred qui lui faisait bien comprendre qu’elle était une fille, une future épouse parfaite qui ne travaillerait jamais, pas comme lui qui serait sûrement le meilleur. Mais à dire vrai, Sigrid se moquait silencieusement de son frère. Elle préférait tellement ne pas travailler et pouvoir vivre avec Edwy, avec lui, la vie lui semblait tellement simple.

Les trois hommes s’étaient ensuite levés pour suivre les leçons habituelles de leur père, et Sigrid avait retrouvé sa mère à la cuisine, prête à essuyer quelques assiettes manuellement. « Mère, est ce que moi aussi un jour, je pourrais recevoir des leçons de Père ? » Elle n’avait pas osé regarder sa mère en lui posant la question bien trop concentrée sur la tâche de graisse se trouvant sur la fragile porcelaine. « Non Sigrid, tu ne pourrais pas. » La petite fille ne répondit rien mais la déception se lisait clairement sur son visage. Elle aurait aimé pouvoir apprendre comme tout le monde. Comme tous les hommes du moins..  « Mais Sigrid, si tu le souhaites, je t’apprendrais tout ce que je sais. Je pourrais t’aider dans tes devoirs sur les tâches ménagères et t’aider sur les cours de sortilèges lorsque tu seras à Poudlard. J’étais plutôt douée à une époque. Je t’aiderais d’accord ? Mais pas à un mot à ton Père. Ce sera un secret entre toi et moi d’accord ? » Sigrid avait croisé le regard de sa mère et pour la première fois, elle y avait vu autre chose que de la soumission. Elle avait lu de l’insouciance et un peu d’espoir. L’espoir que pouvait représenter Sigrid aux yeux de sa mère.

La journée avait suivie son cours et le soleil avait percé le feuillage des pins se trouvant tout autour de la maison. Eadred avait proposé à son plus jeune frère de faire une partie de Quidditch pour lui montrer clairement qui était le meilleur. Eadwig n’avait pas résisté une seule seconde face à ce défi et il avait filé vers la grange pour récupérer son balai. Sigrid était, de nouveau, restée à l’écart sans rater une seule miette de leur échange.  Trouvant son père particulièrement de bonne humeur en ce jour, Sigrid s’était approchée du fauteuil dans lequel il avait pris place et elle avait toussoté légèrement pour prévenir de sa présence. « Excusez-moi de vous dérangez, Père. Je me demandais, enfin, je me posais la question si vous accepteriez que je rejoigne Eadred et Eadwig dehors. Pour jouer avec eux au Quidditch. » Il ne lui avait pas immédiatement répondu et elle n’avait pas osé les yeux vers lui. Les pas lourds du paternel s’était fait entendre un peu plus loin et il était revenu voir Sigrid en lui faisant tomber sous son nez un livre qu’elle ne connaissait que trop bien. « Si tu veux allez dehors, c’est pour lire ça. Si je te vois monter sur un balai, je t’enfermerais dans ta chambre jusqu’à ton entrée à Poudlard. » Et sur ses paroles, il reprit place dans son fauteuil et Sigrid compris que la discussion était finie. Elle prit le livre, le serrant fort entre ses poings et préféra monter jusqu’à sa chambre.

La journée semblait pourtant bien commencée.

POUDLARD (+) 1944 « Sigrid ! Mais c’est pas vrai, t’es sourde ? SIGRID ! » Elle ne s’occupait pas de son cousin assis à coté d’elle, préférant se concentrer sur la lecture du manuscrit qu’elle avait entre ses mains et écouter le son mélodieux du Lac qui se trouvait à coté d’elle. Elle n’avait pas du tout envie de lever les yeux pour se concentrer sur Arsène, son cher cousin insupportable. Elle ne connaissait personne de la famille Weasley. En effet, son père avait coupé tous les ponts avec sa sœur et Sigrid n’avait jamais connu sa tante, et rarement entendu parler.  C’est à son arrivé à Poudlard qu’elle a rencontré Arsène de deux ans son ainé. Lui aussi à Poufsouffle elle avait simplement pensé qu’ils allaient sympathiser et qu’il la laisserait tranquille. Apparemment, Arsène n’avait pas du tout la même idée.  Depuis deux ans donc, Sigrid devait supporter les remarques et les plaisanteries de son cousin sans rien dire. A dire vrai, cela lui permettait aussi d’oublier son quotidien qui n’avait rien de palpitant. Bien sûr, elle n’avait jamais imaginé qu’un jour elle serait… une aventurière, une fille courageuse mais elle s’imaginait autre chose. Sigrid n’avait pas un mot à dire même ici à Poudlard. Les jeunes filles autour d’elle, semblaient avoir la même censure. Sigrid ne pouvait s’exprimer seulement avec Arsène et Eadwing. Et malheureusement, elle ratait la moitié du temps ce dernier parce qu’il courrait dans tous les sens. « Qu’est ce que tu veux encore, Arsène ?» Elle ne relevait pas la tête pour en savoir d’avantages mais Arsène lui attrapa des mains le livre qu’elle tentait de comprendre.   « Je voulais juste discuter.  Comment va ton père ? » Le sourire forcé sur le visage du jeune garçon irrita fortement Sigrid mais elle préféra rien dire. Elle connaissait la rancœur entre son père et sa tante et malgré les années qui avaient pu s’écouler, jamais elle n’avait rencontré Elizabeth. « Je n’ai pas spécialement envie de t’en parler. Excuse moi je dois aller réviser.» Elle allait pour quitter l’herbe douce mais Arsène lui attrapa le poignet. « Sigrid. On pourrait être amis. Elle arqua un sourcil en se défaisant de l’emprise de son cousin. . « Oui on pourrait.» Et elle reprit le chemin vers le château. Jamais elle ne pourrait être amie avec Arsène. Comment être ami avec lui ? Tout était la faute de sa mère. Si un jour elle allait devoir se marier pour sauver l’honneur de sa famille, tout était de sa faute.

GODRIC’S HOLLOW (+) 1951 GODRIC’S HOLLOW (+) 1951 C’était une première douleur. Un picotement sur le bout de sa paume. Elle se sent bien dans l’obscurité, c’est si doux, si simple. Comment allait-elle pouvoir rejoindre la lumière qu’elle voyait au loin ? Elle aurait voulu se sortir de la torpeur, de la douleur mais petit à petit, elle se souvenait. Bien sûr, tout était de sa faute. Pour une fois dans sa vie, elle avait osé s’imaginer que la liberté pouvait lui apporter quelque chose ? Après tout, depuis quelques temps son père lui avait bien fait comprendre qu’elle ne devait pas partir de la maison, que depuis quelques temps le monde sorcier n’était pas sûr. Elle savait bien entendu. Plusieurs fois lorsque ses parents ne s’occupaient pas d’elle, Sigrid prenait les journaux et lisait les nouvelles qu’on tentait de lui cacher. Elle découvrait parfois avec horreur de nouveaux meurtres, des disparitions inquiétantes. Alors, ce jour-là, elle avait cru que c’était une bonne idée. Quitter un peu ce monde morose et inquiet et vivre, insouciant, juste quelques heures. Et puis, elle avait une bonne excuse, elle ne pouvait pas fêter l’anniversaire de son frère tous les jours. Et puis, qu’est ce qui pourrait leur arriver ? Ils allaient se promener, profiter du beau temps et manger, rire, vivre.  

C’est d’abord le silence qui l’a frappé. Et soudain, les bruits autour d’elle. Pire, le vacarme, les hurlements, les sursauts de la peur et les tremblements insupportables de son corps. Et puis, lorsqu’elle a posé son regard sur son frère, elle a compris. L’horreur les avait frappés. Pendant un instant son esprit vagabonda jusqu’à sa maison, sa chambre, sa terrible solitude. Et puis, elle remarqua Eadwig.

Le choc. L’insupportable spectacle de la désolation, et le visage de son frère. Elle ne peut pas le laisser, son cœur se déchire. « EADWIG.» La panique l’emporte sur la raison.  Pas de réaction. Pas de réaction. « EADWIG!.» Elle lui claque les joues, le corps, le tabasse de coup en attendant la moindre réaction, le moindre geste de son frère. Incapable de savoir comment faire revenir Eadwig à elle, Sigrid lui fait tomber des trombes d’eau sur son visage et puis sur tout son corps. Elle ne s’arrête plus de le frapper avec son pauvre corps fragile tremblant et ses yeux embués par la tristesse. Et puis, elle croise son regard. Il est de retour avec là, bien vivant, bien présent. Elle sait qu’ils doivent partir, qu’ils ne peuvent pas rester là. Fuir. « Allez viens, on s’en va ! » Elle lui tend la main, prête à se relever. Et puis c’est le choc. La lumière violette contre sa poitrine. Et puis plus rien. Le noir complet, la mort.
Depuis combien de temps qu’elle flotte dans le temps ? Son esprit semble quitter son corps pendant de nombreuses minutes, de longues heures. Et puis, elle revoit le visage de son frère. Elle entend son rire, son sourire. Sa vie. Elle souffle et pense à sa mère. Elle l’a tant aidé. Tant sauvé des regards durs de son père avec une présence discrète mais si forte. Une main posée sur son épaule. De la douceur dans son regard.
Alors doucement, difficilement, elle ouvre les yeux. La lumière lui brûle les yeux, et elle les referme immédiatement.
La peine,  la douleur. L’horreur.