Le Soleil était haut dans le ciel, certains oiseaux chantaient, malgré le froid qui semblait glacer les Londoniens depuis quelques jours. Vêtue d'une robe totalement noire, au col remontant jusqu'au haut de son cou et qui descendait jusqu'à ses chaussures, elle était habillée très sobrement, comme la plupart des domestiques, d'ailleurs. Les yeux de la jeune femme ne semblaient pas faire refléter un quelconque sentiment de joie ou d'empathie : il semblait qu'elle soit rompue à faire mécaniquement son travail, à effectuer le travail que Lestrange ne donnait pas aux Elfes de maison.
Elle s'affairait donc consciencieusement à changer les draps de cette chambre morne et déprimante. Glauque aurait été le mot qui convenait, surtout qu'elle avait trouvé des choses qu'elle ne souhaitait pas identifier salissant les draps d'Abelam Lestrange...les draps de son Maître aurait été la formulation la plus correcte, mais Damaris ne pouvait pas se résoudre à l'appeler de la sorte. Sa tête, ses réflexions lui rappelaient tout ce qu'ils avaient pu vivre dans la jungle, la savane ou les plaines étrangères. Ce type avait été parfaitement odieux avec elle, et le pire, c'était qu'elle restait. Elle restait comme si sa vie à ses côtés n'était pas finie, comme si elle pouvait un jour espérer, malgré sa couleur de peau, qu'il la nomme responsable des expéditions.
Ces discussions, elle les avait eues un certain nombre de fois avec Lestrange : elle savait très bien que ce n'était même pas la peine d'ici penser. Elle avait également réfléchi au fait de retourner chez elle, où elle serait en sécurité mais elle avait sa fierté : elle ne voulait pas que sa propre famille sache qu'elle avait été dupée par un blanc. Ça, elle ne pourrait le supporter.
Alors, la vie londonienne continuait. Elle faisait régulièrement le marché assez tôt le matin pour ramener aux Elfes la marchandise pour préparer les repas, changeait les draps crades de leur incontinent de « maître » et accomplissait pas mal d'autres besognes qui remplissaient sa journée. Lorsqu'enfin, elle pouvait se reposer, elle se rendait au dernier étage de la maison où elle avait une petite chambre, trop petite pour y vivre mais qui convenait quand on travaillait à s'en abrutir.
Ce jour-là, après enlevé les draps crades de l'autre imbécile, elle avait tout foutu en plan dans la chambre pour enlever de ses mains un bout de la manière visqueuse – qui devait sûrement être du vomi ou quelque chose de ce style – à grand coup de savon. Devant le miroir de la salle de bain privée d'Abelam, elle soupira, se détestant de travailler pour ce type qui n'avait aucune estime ni pour elle, ni pour aucun de ses autres employés.
C'est un bruits derrière elle qui lui fit relever la tête, alors qu'elle était en train de penser. Pas besoin de se retourner, il lui suffit d'observer son reflet dans le miroir.
« Monsieur. Je pensais que vous étiez occupé...Ailleurs. Dans votre bureau, par exemple. »
Elle se retourna doucement, les mains derrière le dos comme pour cacher un méfait : à vrai dire, elle n'était pas censée se laver les mains ici. Elle lui fit malgré tout un sourire.
« Je m'occupe de vos draps tout de suite. »
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